Arrivés en train depuis Berlin vers midi, nous n’avons pas vraiment profité de notre première journée principalement occupée au repos. A peine une petite promenade au soleil couchant dans le Nove Mesto pour prendre un verre sur les quais où se presse la jeunesse tchèque les soirs d’été, en passant devant « la maison qui danse » que je suis vite retournée me coucher tandis que les autres prenaient le bateau pour y danser toute la nuit. Pour m’approprier un peu la ville j’ai préféré une balade nocturne et solitaire en faisant un petit détour par la vieille ville avant de retourner à l’auberge. J’ai pu retrouver la sensation grisante de retrouver son chemin dans une ville pourtant inconnue, dans la nuit, et sans avoir peur un seul instant. Fraiche et bien mieux disposée que la veille, j’étais debout à l’aube – ou presque – prête à prendre le meilleur petit déjeuner du monde avant de partir à la découverte de la vieille ville avec notre guide, un jeune grec en Erasmus qui travaillait à l’auberge. 1. La vieille ville :
La visite démarre de l’opéra situé près d’une des porets de la ville, à côté duquel un groupe joue des airs tziganes que ma caméra peine à enregistrer. Le guide nous promène ensuite dans un dédale de rues s’arrêtant devant des églises et autres demeures sur lesquelles il nous narre quelques anecdotes particulières, celle de la main momifiée de l’église qui hante le quartier. De rues en ruelles nous atteignons la grande place où sont alignées les maisons colorées et peintes, typiques de la Mittle Europa d’Ancien régime. Il fait chaud, il fait beau, et je suis suffisamment reposée pour apprécier pleinement la visite, même si je n’arrive pas à me concentrer sur les explications concernant l’horloge astronomique ou la défenestration de Prague (prélude à la guerre de Trente ans), persuadée que je suis sensée le savoir, puisque c’était en grande partie mon programme de Licence d’histoire, je préfère chercher dans mes souvenirs qui, des catholiques et des protestants sont ici les fauteurs de troubles. Peine perdue, je me vois forcée de demander aux autres ce qui a été dit, je ne me souviens décidément de rien.
En me promenant dans la vieille ville je ne vois pas seulement mes cours d’histoire qui défilent sous mes yeux, je me croirais dans Amadeus de Milos Forman, je m’attendrais presque à voir surgir d’une sombre ruelle, accolé aux tuiles noires des églises de Prague, Mozart ou ? Prague a un je-ne-sais-quoi de romantique, presque de gothique dans ses hautes tours d’ébène qui surplombent la ville, dans ses statues qui longent le pont Charles jusqu’à l’autre rive de la Vltava, qui ramènent tout droit au XVIIIe siècle, comme si traversant les pavés qui conduisent au château j’avais pu traverser le temps lui-même.
2. La colline de Petrin et les jardins de Mala Strana
Rassasiés par un bon goulash, pas forcément le plat idéal en cette après-midi chaude et étouffante telle qu’il en existe en Europe centrale, on se dirige à pas lourds vers la colline de Petrin pour y prendre le funiculaire qui arrive dans les jardins de mala strana. Les jardins se déploient de part et d’autre du funiculaire mais nous nous posons tout en haut, à l’ombre d’un arbre et face aux roseraies de ce qui semble être une église, une glace à l’eau en main. Un petit japonais s’amuse à nous prendre en photo avec le reflex de son père et nous demande de prendre la pause. Je viens tout juste de casser ma caméra en la laissant tomber sur le pont Charles et c’est donc avec flou que je vais filmer cette escapade reposante. Les glaces finies on se dirige vers le château de Prague. Pas besoin de visiter ce qui nous plait c’est de nous promener dans les rues qui descendent vers la vieille ville en passant devant la cathédrale sainte Etienne. Il n’y a pas assez de recul pour la prendre en photo, les gens sont allongés à terre, l’appareil tendu vers le ciel. Prague fait penser à une ville de province, vivante mais avec quelque chose de bucolique : de la colline verte à la vieille ville agitée, se balader dans Prague est un plaisir renouvelé, partout et à toute heure du jour et de la nuit.
3. Le monastère de Strahov
Dernier instant culturel que je ne voulais rater pour rien au monde : la visite du monastère de Strahov qui surplombe Petrin. Nous y parvenons tardivement, la bibliothèque n’est alors plus accessible au public, on se contente d’entrer dans le monastère, au moment même où les moines achèvent un cantique grégorien. Si le monastère est superbe, c’est surtout la puissance de chant qui donne à l’église toute sa valeur. On ne pénètre alors pas seulement un monastère, mais un monastère vivant, on entrevoit une partie de la vie de ces moines, dont le chant m’a touchée plus profondément que je ne le pensais. Je suis déçue de ne pas voir la bibliothèque qui est, avec le cimetière, un de mes lieux de prédilection. J’hésite mais finalement je me décide à y retourner le lendemain, seule et en tramway, et c’est encore une fois un réel plaisir et une fierté de pouvoir me déplacer seule à pieds ou en transports en commun dans une ville qui hier encore m’était inconnue. Malgré une foule non négligeable de touristes je ne peux qu’apprécier les salles de philosophie et théologie qui rappellent la bibliothèque de la Belle et la Bête – celui de Disney bien entendu. Pour rejoindre les autres je prends un tramway qui décide de ne pas suivre le chemin habituel et nous abandonne en plein nulle part, me voilà donc à la recherche de mon sens de l’orientation pour retrouver le centre de la ville. J’arrive à destination avec deux pieds en moins mais la fierté de m’être retrouvée toute seule dans cette ville que j’ai rapidement faite mienne.
Nous quittons Prague le soir même sous un orage torrentiel après être resté quelques heures à regarder un film en tchèque pour achever cet intermède culturel dans notre interrail, avant de se préparer à embarquer pour une d’enfer dans le train qui nous mène à Budapest.