Nous quittons la Slovénie pour nous enfoncer plus profondément dans les Balkans : changement de décor, changement d’ambiance nous pénétrons après une longue journée de route la dangereuse et mystérieuse Bosnie-Herzégovine.
J’avais beau être petite durant la guerre de Bosnie, ce nom m’a toujours fait peur, et rien qu’à l’idée de me rendre en Bosnie j’en avais des frissons, de peur et de plaisir, de se croire une grande aventurière. Même s’il n’en est rien, l’arrivée dans ce pays diffère du reste des pays d’ex-Yougoslavie : après avoir parcouru quatre frontières sans aucun contrôle nous voici coincés dans un embouteillage pour passer le poste frontière où un policier zélé examine attentivement chaque passeport et chaque assurance voiture qui passe sous ses doigts. On se sent oppressés, craintifs, autour tout est écrit en cyrillique et sous l’orage menaçant – et qui finit par éclater violemment – la pancarte « Welcome to Bosnia-Herzegovina » n’a vraiment rien d’accueillant.
La douane enfin passée – après moult péripéties dignes d’un film de Kusturica, on se met dans le bain – on file sur les petites routes bosniaques : direction MOSTAR.
Mon a priori sur la Bosnie a du beaucoup compter dans la découverte – rapide – de ce pays, et si j’ai été parfois choquée et parfois déçue, je me sens surtout rendue compte qu’il était difficile d’apprécier cette région sans en connaître l’histoire, en particulier en ce qui concerne la ville de Mostar.
Alors, pour votre culture, rapide retour sur la guerre de Bosnie. Je vous vois soupirer, un peu de bonne volonté, je vous jure que c’est intéressant !
A la fin de la seconde guerre mondiale, alors que les russes arrivaient d’un côté et les américains de l’autre, un jeune communiste un brin nationaliste à la tête d’une armée de résistance s’est empressé de bouter les allemands hors des Balkans, permettant ainsi à la région de ne pas tomber sous l’influence direct de Staline. Ce chef militaire c’est Josip Broz dit Tito, et Tito, même s’il était un chouia dictateur, il est encore aujourd’hui encensé dans tous les Balkans : comme le dit Kusturica « Tito, c’est Tito » point. Ce Tito a donc fédéré les différentes nations des Balkans pour créer la République fédérale de Yougoslavie dont il tint la tête jusqu’à sa mort en 1980, BIEN ENTENDU. Tito a réussi à éviter au pays d’être satellisé par l’URSS et lui a donc permis d’exister sur le plan des relations internationales, participant par exemple aux conférences des non-alignés. Sur la plan intérieur, la nouveauté c’est l’instauration d’un régime rotatif entre les grandes nations du pays : les serbes, les croates, les bosniaques … Il ne faut pas déconner, toute cette politique se fait sur un fond de culte de la personnalité – Podgorica s’appelait par exemple Titograd – et de répression des opposants politiques. QUAND MÊME.
Après la chute du mur de Berlin qui annonce la fin de l’URSS, la Yougoslavie commence elle aussi à se désagréger sous les revendications nationalistes, ce qui conduit fatalement à des demandes d’indépendances d’où GUERRES.
Après la Slovénie et la Croatie, c’est au tour de la Bosnie de demander son indépendance. Problème ! La Bosnie est constituée à la fois de serbes et de croates orthodoxes, et de bosniaques musulmans (je généralise). Un référendum a lieu en 1992, boycotté par les serbes, le vote est cependant à majorité favorable et la Bosnie est reconnue officiellement indépendante par la communauté internationale. Oui mais pas par les serbes, ni par les croates (en quoi ça les concerne, je n’ai jamais bien compris). S’ensuit alors une grosse guerre ponctuée par de rares cessez le feu et l’intervention de l’ONU. Le moment le plus violent en étant la destruction du vieux pont de Mostar en 1993.
Mais la guerre à Mostar c’était quoi?!
Retournons à nos moutons : après avoir traversé des charmants paysages bosniaques en suivant des cours d’eau dans les montagnes, le tout parsemé de très trop nombreux cimetières, aux jolies pierres tombales arborant fièrement ces dates “1992,1993,1994” – ça en fait froid ans le dos, j’arrive à Mostar, grosse ville avec barres d’immeubles et tout le tralala. A peine entrée dans la ville je tombe sur une inscription : « Don’t forget 1993 ». Super ambiance! Le malaise restera présent durant toute ma visite de la ville, en même temps que la joie de voir combien une ville, un pays et une population peuvent se reconstruire après tant d’horreur. Au centre de Mostar ce trouve le fameux vieux pont, détruit, non pas parce qu’il servait de passage stratégique, mais uniquement pour la symbolique : il représentait le lien entre les musulmans et les chrétiens orthodoxes. La communauté internationale a reconstruit ce pont en 2004, tel qu’il était à l’origine. Les bâtiments autours sont d’époques et n’ont – presque – pas été endommagés par la guerre.
Si le centre est joli : vieux bâtiments, superbe vue sur la rivière et sur la mosquée, ce qui m’a le plus marqué a été les stigmates de la guerre présents partout. Les bâtiments sont pour la plupart criblés de balles, beaucoup sont encore en ruine, et l’endroit même qui nous servait de parking stipulait bien qu’il ne fallait pas garer sa voiture sous les ruines qui risquaient de s’écrouler. Au milieu de ce paysage de guerre la vie a pourtant repris tous ses droits, et le tourisme aussi, on se croirait au souk, à ça prêt qu’en levant un tout petit peu les yeux on voit et on imagine ce qui a pu se passer il y a 20 ans. Mostar est située entre trois collines, le champ de bataille se présentait à peu près ainsi : les croates et les serbes étaient en hauteurs, d’où ils canardaient les bosniaques restés dans la ville.
Mostar m’est apparue comme une archive vivante. Le côté archi touristique ne m’a vraiment pas plu, mais il faut bien qu’ils en profitent un peu pour se reconstruire économiquement, c’est probablement la ville qui m’aura marquée le plus profondément.
J’en suis ressortie un peu nauséeuse face à la violence humaine, mais avec l’idée que qui sait, un jour on pourra peut être aller en Syrie, dans vingt ans…