Après avoir lu de nombreuses critiques littéraires sur les blogs ces derniers temps – Mango and salt, Eleanor and Tea, Mathilde – j’ai eu envie moi aussi de vous parler des derniers ouvrages que j’avais pu lire et qui m’avaient plu ou pas. Mais plutôt qu’un sujet sur« mes dernières lectures » j’ai pensé que cet ouvrage de Paolo Rumiz valait un article à lui seul, parce qu’il est tout à fait en rapport avec la ligne éditoriale du blog et surtout parce que j’ai vraiment adoré cet auteur !
J’ai découvert ce livre dans le métro parisien, attirée d’abord par les ongles rouges de la jeune fille en face de moi qui contrastaient tout à fait avec l’ouvrage qu’elle tenait dans ses mains, la couverture a ensuite retenu mon attention, puis le titre « Aux frontières de l’Europe ». J’ai photographié cet instant pour me souvenir du titre et du nom de l’auteur, de crainte de les oublier . Quelques jours plus tard Victoria de Mango and Salt le propose dans son club lecture mensuel. C’est un signe, je cours l’emprunter à la bibliothèque, même si ce n’est pas le livre élu pour le club lecture du mois, et, après avoir fini de lire Sylvain Tesson, je me plonge enfin dans ce nouveau récit de voyage de l’Italien Paolo Rumiz, pour partir aux confins de l’Europe.
Lassé de cette Europe qui impose son centre géographique entre Bruxelles et l’Italie, Paolo Rumiz décide de partir avec sa compagne sur la frontière orientale de l’Europe, celle qui sépare ces pays presque asiatiques et sous l’influence de la Grande Russie de l’Union Européenne, cette frontière imposée qui n’est délimitée par aucune montagne, aucun fleuve, seulement par la décision de l’Homme. Partant de la mer de Barents entre la Finlande et la Russie, Rumiz et sa compagne photographe descendent jusqu’à la mer Noire, à la rencontre de cette frontière.
Borée, Carélie, Courlande, Carpates en passant par l’enclave intrigante de Kaliningrad, Paolo Rumiz traverse des contrées mystérieuses aux noms évocateurs et nous fait découvrir autant de paysages inconnus que de peuples laissés pour compte. En cherchant à connaître cette frontière il nous montre qu’elle n’est pas toujours là où l’on croit. Qu’est-ce qui différencie un Finlandais d’un Russe ? Un Ukrainien d’un homme de Crimée ? Un peu avant les événements qui vont secouer l’Europe de l’Est, Paolo Rumiz nous permet de mieux connaître et de comprendre ces peuples dont on parle si peu, se faisant par moment, sans le savoir, le prophète de temps sombres qui s’annoncent.
La force du récit de Rumiz c’est sa simplicité et son authenticité. Il retransmet les rencontres à la manière d’un journaliste en interview et nous fait vivre pleinement les aventures humaines qui enrichissent son voyage. Comment ne pas avoir envie de prendre le premier train pour la Russie à la lecture des leçons de vie données par une vieille habitante du lac Onega ? Entrecoupant ses récits d’informations historiques et géographiques , Rumiz nous livre ici une petite encyclopédie de régions méconnues et où, pour tout dire, nous n’aurions même pas eu l’idée de mettre les pieds. Il conte leur histoire et décrypte leurs coutumes et leurs rites, principalement orthodoxes, l’immense Eglise russe étendant son influence du nord au sud.
Ses réflexions de voyage et sur le voyage devraient parler à tout voyageur – qu’il soit backpacker ou non. Un exemple qui m’a beaucoup amusée : chaque fois qu’il quitte un paysage particulier ou une communauté d’hommes, Rumiz semble déçu de ce qu’il découvre ensuite, comme si le meilleur était forcément passé, qu’au fur et à mesure qu’il se rapproche de cette Union Européenne- en passant notamment par la Pologne et la Roumanie – l’exotisme était moindre, le voyage plus aussi chantant et coloré. Puis au rythme des nouvelles rencontres il apprend à aimer tout autant que les autres cette nouvelle destination.
Enfin cet ouvrage pose la question : où est vraiment le centre de l’Europe ? Est-ce Bruxelles et ses institutions ? Ou est-ce, comme le suggère Paolo Rumiz, cette Europe de l’Est où se sont croisés et mélangés des siècles durant des dizaines de peuples européens : Polonais, Russes, Allemands, Roumains, Italiens, dont les folklores si proches résonnent toujours aujourd’hui là où selon Rumiz se trouve l’âme de l’Europe.