Après quatorze heures d’avion, une course dans l’aéroport de Pékin pour avoir la correspondance, et une longue attente à humer les effluves de nouilles lyophilisées dont se nourrissaient tous les chinois autour de moi – je ne savais pas encore que ça deviendrait également mon repas principal et que dans un mois je ne supporterais plus cette odeur – me voici à Canton. Bagage récupéré, je dois retrouver le ticket donné à l’entrée dans l’avion à Paris pour ressortir de l’aéroport…ce papier qu’on ne conserve jamais, surtout après avoir passé tant de temps en l’air sans plus savoir l’heure qu’il est. Premier contact avec la Chine : l’administratif. Pas bon pour moi ça. J’ai finalement retrouvé ce fameux ticket, Jéromine m’attendant depuis déjà plusieurs heures aux arrivées. La première étape de cette aventure est réussie : nous nous sommes retrouvées.
Je mens. Ces images ne sont pas vraiment les premières images que je conserverais de Canton, elles ne sont que les images habituelles d’une arrivée dans un aéroport, partout les mêmes, sans rien qui permette de distinguer où on est arrivé, hormis cette chinoise qui me refuse la sortie. Ma vraie première bouffée de Canton c’est lorsqu’on s’est engouffrées dans une petite rue, bien différente de la grande avenue où nous avait menées le métro, une rue avec de gigantesques arbres qui nous gouttaient dessus.- avant-goût de la mousson à la chinoise.
C’est dans la nuit noire que nous avons trouvé notre hôtel. Toujours dans cette nuit noire, inhabituelle pour des occidentales chez qui le soleil se couche à 21h en cette période estivale, que nous sommes ressorties pressées de trouver un bon repas. Nous n’avons pas cédé à nos bas instincts qui nous conduisaient vers le McDo, le choix de la simplicité ; non il nous fallait rentrer de plain-pied dans la Chine éternelle avant de se plaire à explorer la Chine moderne et c’est assises sur des bancs dans la rue que nous avons testé nos premières prouesses avec les baguettes, et surtout nos premières rencontres avec les Chinois, la vraie découverte de ce voyage.
Ne sachant pas lire le moindre idéogramme nous avons choisi nos plats sur les photos, mais la dame qui nous a servies, nous autres uniques occidentales dans la rue que tout le monde regardait, cette dame a décidé de nous apprendre à manger son plat : une discussion de sourds où nul ne parle le langage de l’autre; la dame a fini par nous donner littéralement la becquée – rien de mieux pour apprendre. En quelques minutes nous y étions enfin : l’inconnu, l’incompris et l’aventure !
Une longue introduction pour vous présenter en quelques points ce que nous avons vu et aimé à Canton, porte d’entrée de la Chine pour nous – et pour tous les occidentaux qui nous ont précédés au XVIIIe siècle. Je n’avais rien lu, rien vu sur Canton, on s’est laissées guidées par le Lonely de façon un peu cahotante : voici le résultat.
- L’île de Shamian
Au sud de Guanghzou, vers le delta de la rivière des Perles – un bien beau nom pour cacher un fleuve boueux parmi les plus pollués du monde – se trouve une oasis de verdure, loin des grands immeubles de la mégalopole : l’île de Shamian. Ancienne concession britannique et française on y trouve des immeubles coloniaux typiques, colorés, entourés de grands arbres, réunis autour de charmants parcs. Tout y est très calme, loin de l’agitation de la ville. Seul signe qu’on est bien dans une grosse ville de plus en plus occidentale : le starbuck qui a trouvé refuge dans une très belle demeure appelant à la rêverie, à la paresse et au repos. Il faut dire qu’il fait plus que chaud à Canton : 35 degrés pour 90% d’humidité, nous sommes trempées au moindre mouvement. Nous suffoquons presque et je salue aujourd’hui notre courage d’avoir traversé la ville pour venir ici à pied.
- Parc de Yuexiu
Ici encore le choc fait du bien : une véritable forêt tropicale dans la ville. Il faut dire que nous venons de la gare centrale de Canton où nous sommes allées chercher nos premiers tickets de train : une expérience hors du commun. Des centaines, peut-être des milliers de Chinois font la queue dans cet immense hall de gare, une foule comme on n’en verra jamais en France ou en Navarre, et bien sûr au milieu il y a nous. Nous occidentales à la peau blanche, dont une arbore des yeux bleus et des cheveux blonds. Comment voulez-vous ne pas attirer le regard ?
A Yuexiu on ne voit que le ciel plombé de nuages et la végétation luxuriante. Un lac. Des temples. Des chemins qui montent vers diverses collines. Aucun bruit, si ce n’est la voix sortant des hauts-parleurs qui répète la même chose en boucle. Depuis la colline on aperçoit le district financier qui nous rappelle que nous ne sommes pas en pleine jungle. Mais c’est surtout ici que nous connaissons notre première pluie tropicale. Elle s’abat à plusieurs reprises avec force, pourtant la chaleur ne diminue pas et l’humidité ne cesse d’augmenter.
- Découvrir Guanghzou: des petites rues à Times square
Canton, ses rues, ses ruelles, ses commerces et ses commerçants qui dînent sur le trottoir. Ses trottoirs recouverts de carreaux fendillés par les racines des immenses arbres qui cherchent à sortir de terre, leurs lianes laissant retomber par petites gouttes toute l’humidité accumulée ces derniers jours. Et partout des hommes assis sur le bord de la route, dans leurs chariots ou à terre, et qui attendent, qui regardent la vie se dérouler. Une image qui nous verrons régulièrement dans toutes les villes, grandes ou petites. Et puis des vélos, des voitures et toute sortes d’autres véhicules qui sillonnent les rues. Des chinois qui ne font plus attention au charme particulier de ces grands immeubles grillagés avec leur décoration de clims. C’est à peu près ce que je m’imaginais de l’Asie, et c’est ce que j’ai adoré à Canton et ce pourquoi je souhaiterais y retourner.
Au détour d’une allée on se retrouve dans une rue piétonne, à un carrefour aux allures de Times square avec des magasins en enfilade, ouverts jusque tard dans la nuit. Les enseignes sont encore plus grandes qu’ailleurs et plus lumineuses. Canton regroupe tout ce qu’on pense connaître de la Chine et tout ce qu’on ne s’attend pas à découvrir. Je ne saurais finalement dire pourquoi j’ai tant aimé Canton, malgré la chaleur, la moiteur et la fatigue. Mais je conseille d’y aller, pour l’ambiance et pour comprendre la Chine. Arrivées ici on ne peut s’empêcher de penser à ce joli bar sur berge à Paris dont le nom évoque toute la nostalgie d’une Chine qu’on n’a jamais pu posséder, la beauté des ce pays exotique qui vous attire et vous intrigue. Bien loin de la foule et de la moiteur chinoise, aujourd’hui ce sont nous les dames de Canton.