Pour lancer ma nouvelle rubrique d’interview d’expats – idée piquée du blog de Mathilde (eh oui encore!) – j’ai fait appel à ma Justine, une amie élève du barreau de Paris qui a pris une année de césure pour vivre sous le grand air australien. Travailler, voyager, galérer un peu : comment ça se passe concrètement une année de PVT en Australie? Justine a accepté de répondre à mes quelques questions et devinez quoi…ça donne sacrément envie de partir!
Qu’est ce que tu es allée faire en Australie?
J’ai décidé de partir une année à l’autre bout du monde, en Australie, afin d’apprendre l’anglais. Mais le projet linguistique s’est vite transformé en roadtrip ! J’ai voyagé la moitié de mon séjour, et travaillé en tant que jeune fille au pair dans une famille australienne l’autre moitié.
Où vivais-tu?
J’ai vécu à Brisbane, dans l’état du Queensland. C’est la 3ème plus grosse ville d’Australie mais c’est une ville à taille humaine assez isolée. Le climat subtropical assure une météo idéale, avec un hiver dont les températures oscillent entre 15 et 20 degrés. Cet hiver très doux a été un argument déterminant dans le choix de mon lieu d’établissement, outre le coût de la vie nettement moins élevé qu’ailleurs.
Il est assez facile de dénicher une chambre en colocation sur du court terme, mais les prix sont plus élevés que sur le long terme. La grande flexibilité de ce type de location se paye, il suffit de payer un « bond », une sorte de caution, et c’est tout ! En revanche, tout est basé sur la confiance, il n’y a aucune trace écrite sur les locations « short term » , il faut donc être prudent.


Quelles difficultés as-tu rencontrées lors de ton arrivée?
En PVT il n’est pas si facile de trouver un emploi : on ne peut travailler que 6 mois d’affilée pour un même employeur. Personnellement, j’ai commencé à chercher un job quelques mois avant l’expiration de mon visa, ce qui m’a beaucoup pénalisée. Il existe aussi une concurrence réelle avec les étudiants qui ont peu de cours à l’université, mis dans l’obligation de travailler à cause du prix très élevé des frais de scolarité. Enfin, la barrière de la langue est une difficulté supplémentaire.
Le plus facile est d’opter pour un travail de récolte à la ferme, mais il est indispensable d’avoir une voiture – la voiture est indispensable dans ce pays – d’être mobile, et d’avoir conscience de la précarité de ce type de poste. A titre d’exemple, j’ai parcouru 2300km d’une traite, en 3 jours, pour rejoindre une ferme productrice de citrons qui m’avait offert du travail. A mon arrivée, l’exploitant m’a annoncé que le cours du citron avait baissé, et que par conséquent, il me faudrait rester dans les environs en attendant son appel… 15 jours plus tard, toujours rien !
Pour ce qui est de trouver un van il existe un véritable marché pour les backpacker. L’idée consiste à acheter un utilitaire à un entrepreneur et à lui offrir une seconde vie en le transformant en campervan. Personnellement, j’ai acheté un utilitaire affichant 200 000 kms au compteur afin de l’aménager (compter 3000 dollars la vieille camionnette, au moins 1000 dollars d’équipement, et 1000 dollars d’assurance).

Quelles sont les différences notables entre l’Australie et la France?
La bouffe et la culture ! C’est en s’expatriant que l’on réalise la richesse de notre gastronomie et de notre histoire ! Originellement, l’Australie est une terre aborigène. L’histoire de l’Australie est donc essentiellement celle de sa colonisation, qui est relativement récente (18, 19ème siècle). Il n’y a donc pas de beaux châteaux à visiter, mais plutôt des buildings !
Quelles habitudes as-tu prises dans ton pays d’accueil?
La principale habitude que j’ai prise en Australie est liée au rythme de vie. J’ai appris à vivre à l’heure australienne, c’est-à-dire en fonction du rythme du soleil. Celui-ci se lève entre 5 et 6h du matin, l’on prend vite l’habitude de se lever entre 6h30 et 7h du matin, y compris le weekend. Les australiens sont des lève-tôt, et des couche-tôt, à 22h les rues se vident.
Une année remplie de visites et de découvertes?
J’ai parcouru tout la côte est de l’Australie à bord de mon van, en allant de Cairns (grande barrière de corail, nord du Queensland) à Melbourne, en passant par le désert d’Alice Spring. Je n’ai pas pu visiter la côte ouest, les distances étant trop longues, il aurait fallu une année complète de voyage pour parcourir toute les côtes australienne en van (ce que font d’ailleurs beaucoup de backpacker !) Mais je souhaitais également me poser pour travailler.


Que conseillerais-tu absolument de voir ou faire en Australie?
Incontestablement, le Red Center, autrement dit le désert d’Alice Spring ! Ce fut une expérience incroyable, le seul fait d’évoquer ce périple m’émeut ! Pour atteindre le désert, il faut d’abord parcourir 2000 km de no man’s land. Une seule route qui s’enfonce aux confins de l’Australie profonde, là où la terre orangée est sèche et rocailleuse. Des milliers de kilomètres de plaines désertiques, avec parfois une ligne de train de marchandises, quelques vaches faméliques. Les arrêts dans les stations essence sorties de nulle part valent le détour, non pas pour le prix exorbitant du carburant, mais pour l’atmosphère très « far west ». La rencontre de ces gens qui vivent dans le grand outback, à 1000 km d’une ville, est une expérience en elle-même. Le « Territoire du Nord » que l’on traverse est également peuplé en grande partie d’aborigènes, qui vivent dans des réserves interdites aux touristes. Mais l’on en rencontre beaucoup dans les stations essence, qui font office de boutique d’approvisionnement en chips, coca et autre malbouffe. Bon nombre d’aborigènes en raffolent, perdus bien loin de leurs racines et de leur culture ancestrale.
L’arrivée à Alice Spring, la porte d’entrée du Red center, est un moment fort car il marque la fin d’un long périple. Commence alors la grande aventure du désert, ses paysages époustouflants, la chaleur écrasante et les nuées de mouches qui nous poursuivent sans relâche ! Pour les sites les plus touristiques, cela signifie aussi une horde de cars de touristes chinois, tout beaux, tous propres, armés de leur appareil photo.


Autre lieu typique incontournable : le nord du Queensland, ce territoire hostile et moite. C’est une ambiance unique, bien loin du cliché du surfeur australien à Sydney. Le climat y est tropical, l’atmosphère est lourde, moite et humide. Un parfait vivarium qu’affectionnent particulièrement les crocodiles et autres espèces dangereuses en tout genre. Il est interdit de se baigner dans la moindre petite creek d’eau, la baignade y est extrêmement dangereuse. Dans un autre genre, les méduses tueuses peuplent les eaux de Cairns pendant la saison des pluie. Charmant.
Là bas, l’Australien, c’est un vrai gars du pays, qui te dit « Hey mate » quand il te voit, assassine l’anglais avec son accent écorché, porte le grand chapeau en paille et la chemise à carreaux. La conversation du coin de rue ? La chasse au crocodile en mer. Rien ne leur fait plus plaisir que de parler des captures de crocodiles (relâchés dans des parcs) avec force détails pour terroriser le touriste facilement impressionnable.


Des endroits où sortir ou faire la fête?
Je ne suis pas allée en Australie pour faire la fête, je n’étais pas du tout attirée par les sorties en bar. Je passais mes weekend à parcourir le pays, y compris lorsque j’étais basée à Brisbane. Et puis, en Australie, la vie est chère ! L’alcool est surtaxé, il faut donc avoir les moyens de prendre un verre, c’est quand même un budget !
Une spécialité culinaire ou culturelle que tu as adorée?
Un plat ? Non, sans déconner, on est en Australie. Leur grande fierté nationale, c’est une sorte de pâte à tartiner industrielle (Vegemite) qui est une spécialité australienne. Immonde.
En revanche, j’ai beaucoup apprécié le savoir-vivre australien, à tout point de vue. La vie est agréable, je n’ai pas ressenti le stress et l’agacement généralisé qui existe à Paris. Les gens prennent les transports en commun calmement, ils font sagement la queue pour monter à bord, tout le monde paie son ticket. A la moindre question, l’on s’empresse de vous répondre avec moult détails, et quelques questions personnelles au passage. Autre point très important : le rythme du travail est plus léger qu’en France. Il est impensable de réaliser les horaires des avocats d’un cabinet d’affaire parisien, 18h30/19h c’est un grand maximum pour quitter son travail.


Est-il facile de rencontrer des gens?
La barrière de la langue est bien évidemment un grand frein pour le contact local. Les étrangers ont tendance à rester ensemble, il est difficile d’approcher les « vrais australiens », qui font leur vie. En revanche, ils sont très ouverts à la discussion et curieux à propos de la France. J’ai été interpellée par une multitude de passants qui s’amusent à balancer tous les mots de français qu’ils connaissent (Madame, merci !). Il est facile d’engager la conversation, qui tourne d’ailleurs facilement vers des sujets politiques.
Que t’a apporté ce voyage?
Un voyage d’une telle ampleur, sur une année entière, laisse forcément des traces profondes. Ce périple se transforme vite en voyage initiatique, presque méditatif. Le fait de se déconnecter entièrement de la civilisation, de l’environnement quotidien, des influences extérieures, permet de se recentrer sur l’essentiel et de faire une profonde retour sur soi-même. Les rencontres, le fait de découvrir des modes de vie totalement différents sont autant de claques qui remettent en question tous vos acquis culturels, tout ce qu’on vous inculque depuis l’enfance.
Un exemple: ce couple assez âgé rencontré lors de mon périple vers Alice Spring. Alors que le van était embourbé, un bonhomme est venu me secourir en courant, armé de sa pelle, et n’a pas hésité à se salir pour m’aider. Non content de ce sauvetage, il m’invite à boire un café dans sa superbe caravane tout confort, avec sa femme. Je découvre que ce vieux couple mène une vie nomade et itinérante, ils voyagent à travers l’Australie pour vendre du matériel de camping, et vivent dans leur caravane. Ils expliquent alors qu’ils perçoivent la vie comme une grande aventure, ils me disent d’oser, de foncer, d’enlever les barrières qui n’existent que dans ma tête. Je me souviendrais toujours de ce geste, mimant avec ses mains l’acte de me retirer de la tête les obstacles mentaux. Ecoute un vieux qui a l’expérience de la vie me disait-il, et sors de ton étau. Cet homme, qui me connaissait à peine, a su m’analyser, prenant soin au passage de me sermonner. Encore un discours qui donne matière à réflexion et qui bouleverse vos conceptions préfabriquées de la vie.


Et si tu devais t’expatrier…?
Si je devais m’expatrier, ce serait incontestablement en Australie, j’ai eu un véritable coup de foudre pour ce pays.
Quels conseil pour quelqu’un qui prépare son PVT en Australie?
Inutile de tout préparer et de tout organiser minutieusement, le voyage c’est aussi l’imprévu et l’improvisation. Il convient juste de tracer un itinéraire de base, en prenant soin de regarder les saisons. Il existe différents climats en Australie, notamment une saison des pluies dans le nord du Queensland. Il faut en tenir compte pour dessiner son l’itinéraire, l’idéal étant de voyager l’été dans le sud de l’Australie pour éviter l’hiver frais, puis de remonter dans le Queensland après la saison des pluies.
Faire quelques repérages pour l’aspect pratique (comment ouvrir un compte bancaire, le téléphone, l’assurance santé, faire un stock de médicaments…), s’informer sur les grandes enseignes bon marché etc.
Enfin s’interroger aussi sur la ville où vous déciderez de vous fixer si vous souhaitez travailler en dehors des fermes : tout dépend alors de vos aspirations. Il y a peu de villes, peu de choix mais il ne faut pas se tromper: si vous vous ennuyez ferme sur la côte ouest assez sauvage et peu habitée, il faut parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour rejoindre Sydney.

Un autre PVT ça te tente?
Si je voulais faire un PVT pour le fun, en dehors de toute contrainte linguistique, je choisirais l’Argentine pour un dépaysement total !Je n’envisagerais pas de m’installer dans un pays que je ne connais pas, mais je serais ouverte à l’idée de refaire une expérience d’une année ailleurs, aux Etats-Unis par exemple. Toutefois il n’y a pas de PVT dans ce pays, qui est donc peut accessible.
On parle beaucoup de la mauvaise réputation des Français en Australie, tu en as ressenti les effets?
En effet, il y a eu quelques mauvaises expériences avec des backpacker, qui dans leur volonté de faire des économies, peuvent avoir tendance à abuser en ne voulant rien payer et faire le « squatteur », mais cela ne concerne pas que les Français. La grande majorité des backpacker qui sillonnent l’Australie sont de nationalité allemande et française, donc forcément, nous sommes dans le viseur. Nous avons aussi une réputation de grande gueule, car nous avons tendance à être plus direct que les Australiens qui sont plus précautionneux pour dire le fond de leur pensée. J’ai eu quelques réflexions du type « c’est le french style » à propos d’un désaccord avec un bailleur, mais en dehors de ça je n’ai pas ressenti d’hostilité spécifiquement anti-française. D’un point de vue plus général, c’est la France en tant que pays qui a une mauvaise image : insécurité, immigration non contrôlée, attentats terroristes, Union européenne totalitaire, voilà ce que j’ai souvent entendu.
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